J.O. 288 du 11 décembre 2004       J.O. disponibles       Alerte par mail       Lois,décrets       codes       AdmiNet
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Avis de la Commission des participations et des transferts n° 2004-A-19 du 7 décembre 2004 relatif à une cession sur le marché de titres de Air France-KLM


NOR : ECOX0407850V



La commission émet l'avis suivant :

I. - Par lettre du 7 décembre 2004, le ministre de l'économie, des finances et de l'industrie a saisi la commission en vue de la mise en oeuvre d'une opération de marché sur le capital de la société Air France-KLM dont l'Etat détient environ 44,1 % du capital.

Cette opération devrait consister en la cession par l'Etat d'environ 20 % du capital d'Air France-KLM. Les actions cédées seraient mises sur le marché au moyen d'un placement privé auprès d'investisseurs institutionnels français et internationaux, conduit par un syndicat bancaire qui en garantirait la bonne fin en termes de volume et de prix minimum.

Conformément à l'article 11 de la loi no 86-912 du 6 août 1986 et à l'article 51-III de la loi no 98-546 du 2 juillet 1998, des titres seront par ailleurs proposés aux salariés dans la limite de 15 % des actions cédées. La commission a émis un avis sur cette offre.

L'article 51-II de la loi du 2 juillet 1998 susvisée, modifié par l'article 5 de la loi no 2003-322 du 9 avril 2003 et par l'article 6 de la loi no 2004-734 du 26 juillet 2004, a prévu qu'il puisse être proposé aux salariés d'Air France de consentir à des réductions de leur salaire en échange de la remise par l'Etat d'actions d'Air France, dans la limite de 6 % du capital. Air France remboursera à l'Etat le coût résultant de la mise en oeuvre de cette opération, en tenant compte notamment de l'augmentation de valeur de la participation de l'Etat pouvant résulter des réductions de salaires. Ce remboursement est déterminé par une convention dont la commission a approuvé le texte par sa décision du 18 mai 2004.

II. - La majorité du capital de la société Air France a été transférée au secteur privé à la suite du succès de l'offre publique lancée par Air France sur les actions cotées en bourse de KLM. Le 21 mai 2004, à l'issue de l'offre et de sa période complémentaire, Air France détenait 96,3 % des actions ordinaires de KLM. Air France a adopté la raison sociale Air France-KLM et a filialisé son activité opérationnelle dans Air France SA en septembre 2004.

La structure de l'actionnariat d'Air France-KLM est aujourd'hui la suivante :

Etat français : 44,1 % ;

Salariés : 10,0 % ;

Actions propres détenues : 0,4 % ;

Public : 45,5 % (dont 18,4 % provenant de l'échange des actions KLM).

L'exercice des bons de souscription ou d'acquisition d'actions d'Air France-KLM remis aux anciens actionnaires de KLM ayant apporté à l'offre est susceptible de diluer au maximum la participation de l'Etat à environ 39,4 %.

L'Etat, à l'issue de la cession sur le marché de l'offre aux salariés et de l'échange salaires contre actions, devrait détenir un peu moins de 20 % du capital d'Air France-KLM et environ 15 % en cas d'exercice des bons.

III. - Dans son avis du 2 mars 2004, la commission a eu l'occasion de présenter en détail les sociétés Air France et KLM, les modalités de leur rapprochement et l'évolution générale du secteur de l'aviation civile.

Depuis cette date, les principaux événements intervenus ont été les annonces du succès de l'offre publique d'Air France sur KLM et des résultats pour l'exercice avril 2003 - mars 2004 des deux compagnies. En novembre 2004, le groupe Air France-KLM a présenté les résultats du premier semestre de son nouvel exercice.

IV. - La société KLM a annoncé le 6 mai dernier ses résultats annuels 2003-2004 qui ont été meilleurs que prévu grâce à l'amélioration au quatrième trimestre des recettes et à la poursuite de la mise en oeuvre du plan de réduction des coûts. L'exercice est resté malgré tout difficile avec un chiffre d'affaires de 5,88 milliards d'euros contre 6,49 l'année précédente, soit une baisse de 9,4 %.

L'excédent brut d'exploitation avant loyers (EBITDAR) a triplé, passant de 255 à 758 millions d'euros et le résultat d'exploitation est passé d'une perte de 484 millions à un excédent de 120 millions d'euros. La société a souligné qu'elle poursuivait ses efforts pour réduire ses coûts et que, durant l'exercice, l'objectif fixé d'une économie de 200 millions d'euros avait été atteint dans le cadre du programme visant à une réduction des coûts sur trois ans de 650 millions.

Grâce à cette évolution, KLM a pu afficher un bénéfice net de 24 millions contre une perte l'année antérieure de 416 millions, revenant à une situation bénéficiaire de façon anticipée par rapport aux prévisions.

Le bilan consolidé de KLM au 31 mars 2004 fait apparaître des capitaux propres de 1,49 milliard et un endettement financier net de 3,1 milliards d'euros.

V. - Air France a annoncé le 18 mai dernier les résultats de son exercice avril 2003-mars 2004, le dernier arrêté hors KLM, en ligne avec les prévisions des analystes. Dans un contexte difficile, le chiffre d'affaires s'est établi à 12,3 milliards d'euros, soit une baisse de 2,8 % par rapport à l'exercice précédent. L'activité passager, qui représente 83 %, a été légèrement moins affectée que l'activité cargo qui a souffert de l'environnement international et de la faiblesse du dollar. Compte tenu de l'effet défavorable du change, la recette unitaire au siège kilomètre offert est en baisse de 5 %. Les lignes passagers sur l'Asie et le Moyen-Orient ont été les plus affectées par la baisse de l'activité alors que le moyen courrier européen et domestique s'est bien comporté.

L'excédent brut d'exploitation avant loyers opérationnels (EBITDAR) s'est élevé à 1,78 milliard d'euros, en baisse de 10,8 % par rapport à l'exercice précédent, ce qui a représenté une marge par rapport au chiffre d'affaires de 14,4 % contre 15,7 %. Si le programme d'économies a permis une réduction des charges d'exploitation (- 2,6 %), les charges de personnel ont progressé de 5,8 %.

Le résultat d'exploitation a été de 139 millions d'euros, soit une baisse de 27,6 % et le résultat net s'est établi à 93 millions, en baisse de 22,5 % par rapport à l'exercice précédent.

Les capitaux propres s'élèvent au 31 mars 2004 à 4,08 milliards d'euros et la dette nette à 2,53 milliards, ce qui entraîne une amélioration du ratio d'endettement.

L'exercice avril 2004-mars 2005 va être le premier qui intégrera les résultats de KLM.

Les capitaux propres du nouveau groupe Air France-KLM s'élèvent au 31 mars 2004 à 4,8 milliards d'euros et la dette nette à 5,9 milliards. Le chiffre d'affaires combiné pour l'exercice avril 2003-mars 2004 a été de 1,8 milliard et l'EBITDAR d'environ 2,5 milliards.

VI. - Pour son premier semestre consolidé (avril à septembre 2004) de l'exercice 2004-2005, le groupe Air France-KLM a présenté, dans une conjoncture encore difficile mais en amélioration, des résultats en forte augmentation avec un chiffre d'affaires en hausse de 9,1 %, un excédent brut d'exploitation avant loyers opérationnels en augmentation de 17,1 % et un résultat net, part du groupe, en hausse de 56,6 % en données pro forma. Le groupe explique cette évolution par la forte croissance du trafic passager (avec amélioration du coefficient d'occupation) et de l'activité cargo ainsi que par la maîtrise des charges d'exploitation. Les synergies du rapprochement entre les deux compagnies semblent également être mises en oeuvre plus rapidement que prévu.

L'endettement consolidé net s'élevait au 30 septembre 2004 à 5,36 milliards d'euros et la situation nette s'établissait à 5,15 milliards d'euros.

Le groupe compte réaliser pour l'exercice avril 2004-mars 2005 un résultat d'exploitation supérieur à celui de l'exercice précédent, grâce notamment aux mesures d'économies et aux synergies mises en oeuvre, et malgré le niveau élevé des prix du carburant.

VII. - Conformément à la loi, la commission a procédé à l'évaluation du groupe Air France-KLM en recourant à une analyse multicritère qui prend en compte les éléments boursiers, la valeur des actifs, les bénéfices réalisés, l'existence des filiales et les perspectives d'avenir.

A cette fin, elle a disposé de rapports de la banque conseil de l'Etat et des banques conseils de l'entreprise établis en mai dernier sur la base des résultats et des perspectives à la fin de l'exercice avril 2003-mars 2004. La banque conseil de l'Etat a remis à la commission en novembre 2004 une actualisation de son rapport en fonction des résultats du premier semestre.

Ces rapports utilisent principalement deux méthodes d'évaluation :

- les comparaisons boursières : les multiples résultant de la capitalisation des sociétés comparables ont été appliqués aux agrégats correspondants du groupe Air France-KLM. Trois sociétés européennes ont été estimées suffisamment comparables : Lufthansa, considéré comme le meilleur comparable, British Airways et Iberia. Les difficultés persistantes des compagnies américaines ne permettent pas de les retenir pour des comparaisons. Le multiple qui a été jugé le plus significatif par les banques est celui d'excédent brut d'exploitation avant loyers (EBITDAR), qui vise à neutraliser les différences de modes de financement de leurs flottes par les compagnies, et qui est généralement utilisé pour l'analyse du secteur. Une des banques a également recouru au multiple de résultat net ajusté des éléments exceptionnels et de l'amortissement des survaleurs ;

- l'actualisation des flux futurs de trésorerie sur la base d'un plan d'affaires jusqu'en mars 2007 résultant de la combinaison des plans établis par Air France et par KLM ensuite extrapolé par les banques jusqu'en mars 2012. Le caractère cyclique fortement marqué du secteur est pris en compte, notamment sur la marge opérationnelle.

Les évaluations incluent les synergies attendues du rapprochement d'Air France et de KLM dont les banques observent que leur prise en compte, au travers des notes d'analyses, est bien acceptée par le marché. L'impact de l'opération d'échange salaires contre actions est également pris en compte.

Par ailleurs, les banques ont procédé à l'examen de l'évolution du cours de bourse de Air France-KLM sur différentes périodes de référence ainsi qu'à une revue des objectifs de cours des analystes. Les banques considèrent que d'autres méthodes, comme l'actif net, la somme des parties, l'actualisation des dividendes ou les multiples de transactions comparables ne sont pas applicables en l'espèce.

VIII. - Sur le plan boursier, la commission observe que, depuis son introduction sur le marché en février 1999, l'action Air France-KLM a connu d'importantes fluctuations de son cours. Après une phase de hausse qui l'a conduit le 2 janvier 2001 à son plus haut historique (25,6 EUR), le cours a entamé une période d'affaiblissement suivie de l'effondrement au-dessous de 10 EUR en septembre 2001. Reparti rapidement à la hausse, il dépassait à nouveau 20 EUR début 2002 avant de connaître une descente accentuée jusqu'au plus bas de 7,12 EUR le 3 octobre 2002. La remontée aux environs de 14 EUR en octobre 2002 a été interrompue suite à l'épidémie de SRAS en Asie, le cours redescendant vers 8 EUR au printemps 2003. Par la suite, l'action a suivi une tendance haussière assez régulière la situant entre 12 et 17 EUR. Sur les cinq derniers mois, le cours de l'action évolue entre 12 et 14 EUR. Les bons résultats du premier semestre avril-septembre 2004 ont entraîné le cours au-dessus de 14 EUR sur les deux dernières semaines.

Depuis le 1er janvier 2004, le cours d'Air France-KLM a progressé de 18,1 % sur-performant nettement l'indice CAC 40 (+ 4,7 %) et les cours de ses comparables Lufthansa (- 17,3 %), British Airways (+ 0,4 %) et Iberia (+ 11,8 %).

Alors qu'au cours des trois derniers exercices le secteur du transport aérien a connu une crise d'une ampleur sans précédent, Air France a montré sa capacité à faire face à cet environnement et a poursuivi ses programmes de réduction de ses coûts de manière à améliorer ses performances opérationnelles et la société a évité tout résultat déficitaire. Les chiffres du dernier exercice de KLM montrent par ailleurs les premiers succès du plan de redressement de cette société, en avance par rapport aux prévisions. Une amélioration de la conjoncture du transport aérien, que l'évolution récente du trafic suggère, devrait permettre à Air France-KLM de profiter pleinement de leur rapprochement et des synergies qui en sont attendues. A l'inverse, des facteurs négatifs existent du fait des risques inhérents à la situation internationale et de la hausse du prix des carburants qui n'est que partiellement atténuée par la bonne tenue de l'euro et la politique de couverture mise en place. Au total, la conjoncture restant fragile et incertaine, toute évaluation du groupe doit se fonder sur des hypothèses prudentes.

Dans les conditions actuelles du marché, la procédure de cession choisie, un placement privé garanti par un syndicat bancaire quant à sa bonne fin et à son prix, paraît être un moyen approprié d'atteindre les objectifs recherchés, d'assurer le succès de l'opération et d'obtenir un prix satisfaisant pour l'Etat.

IX. - Compte tenu de ces éléments, et au vu de l'ensemble des informations qui lui ont été communiquées ainsi que des données les plus récentes du marché, la commission estime que la valeur de la société Air France-KLM ne saurait être inférieure à 14 EUR par action, soit environ 3,77 milliards d'euros pour 269 383 518 actions composant le capital social.

Sur ces bases, la commission confirme sa décision no 2004-D-1 du 18 mai 2004 par laquelle elle approuve la convention entre Air France et l'Etat relative à l'échange salaires contre actions, étant observé que cet échange s'appliquera aux salariés de la filiale Air France SA conformément à l'article 6 de la loi du 26 juillet 2004.